L’interview de Dominique Leroux, Excalibulle et l’Escale des Mangas

Après le Japon, la France est le 2e plus gros consommateur de mangas dans le monde. Analyse avec la spécialiste de bande-dessinée, Dominique Leroux, fondatrice des librairies Excalibulle et l’Escale à Mangas à Brest.

Plus d’une bande-dessinée sur deux vendue en France est un manga. Comment analysez-vous ce succès sur le long terme ?
Cela tient au fait que la France comble un retard par rapport au Japon sur les publications de mangas. Pour une seule série, quatre mangas peuvent arriver sur une année dans l’Hexagone. Les éditeurs français achètent des licences qui ont souvent cartonné au Japon. À titre de comparaison, il faut compter un an et demi pour qu’une bande-dessinée franco-belge voit le jour. Pour une BD française, vous avez donc aujourd’hui six mangas qui sortent. Le jour où le marché français aura rattrapé son retard sur le Japon, il y aura de facto un coup de frein sur les ventes de mangas. Les éditeurs devront attendre l’arrivée de nouvelles séries avant de les importer en France.

Une pénurie de nouveautés est-elle à redouter sur les mangas ?
Les sorties resteront importantes. Si en France, la BD se résume à un dessinateur et à un scénariste, les mangas fonctionnent au Japon comme une industrie. Ils sont créés dans des ateliers avec des auteurs, les mangakas, qui travaillent avec plusieurs assistants. Les groupes de presse les soumettent à une forte pression pour alimenter les journaux et les magazines en nouveaux mangas.

Faîtes-vous une différence entre les mangas et les autres types de bande-dessinée ?
Absolument pas ! Pour moi, la BD franco-belge, les mangas japonais ou même les comics américains sont un même art. Cela tient aux générations. Les adolescents d’aujourd’hui apprécient les mangas japonais alors que ceux des époques précédentes aimaient davantage la BD franco-belge. Maintenant, j’ai tendance à défendre le travail des auteurs français en les accueillant par exemple régulièrement à la librairie Excalibulle. Leurs BD me font rêver tous les jours. Et ils doivent pouvoir vivre de leur art.

Qu’en est-il de l’intérêt des éditeurs pour des séries destinées aux filles ?

Si le « shônen », qui cible les adolescents et les jeunes garçons, ou le « seinen », pour les adultes, restent les genres de mangas dominants en France, le « shojo », qui vise les filles, commence à prendre de l’ampleur. Mieux, il a permis de redonner le goût de la lecture de la bande-dessinée aux jeunes femmes et aux adolescentes. Ce phénomène a d’ailleurs donné envie aux éditeurs de BD franco-belge de développer des albums davantage tournés vers les filles. À tel point que l’on constate qu’il y a actuellement plus de nouveautés pour les filles que pour les garçons.

1 LIVRE SUR 7 ACHETÉ EN FRANCE /// 57% DE PART DE MARCHÉ VOLUME SUR LA BD /// 43% DES ACHATS VIA LE PASS-CULTURE

VENTES DE MANGAS SOURCE : GFK – ÉTUDE 2022

Ses coups de cœur de la rentrée

POUR LE MANGA,
LÉVIATHAN • de Shiro Kuroi • Éditions Ki-oon

POUR LA BD,
LA DEMI-DOUBLE • de Grégoire Bonne • Éditions Mosquito

 
 
 
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