Café, plaisir au goût d’amertume – La sensation au musée de la Compagnie des Indes

La Citadelle de Port-Louis accueille une exposition sur la production et la consommation de café aux XVIIe et XVIIIe siècles. L’occasion de découvrir une fastueuse collection de services en porcelaine et de revenir sur la tragédie humaine autour de cette culture imposée par la Compagnie des Indes sur l’île de la Réunion.

 

Brigitte Nicolas, conservatrice en chef du patrimoine et directrice du musée de la Compagnie des Indes, devant des fontaines japonaises et des verseuses chinoises.

 

C’est une exposition sensationnnelle et pleine de bon goût qui se tient jusqu’au 15 décembre 2022 au musée de la Compagnie des Indes à Port-Louis. On se laisse séduire autant par le choix d’un thème historique autour du café que par la mise en valeur de pièces rares et la richesse des collections de services en porcelaine de Chine ou du Japon. « J’ai eu envie d’une exposition autour du café après avoir découvert une collection de tasses spectaculaires, confie Brigitte Nicolas, la directrice du musée. On a d’abord voulu l’aborder sous l’angle des débuts de la consommation en France avant d’y ajouter un volet historique sur la production administrée par la Compagnie des Indes. »
La mode pour le café démarre en 1669 à la suite de la réception par Louis XIV de l’émissaire du sultan ottoman Mehmed IV. Quelques années plus tard, le royaume de France obtient une soixantaine de plants de café du souverain du Yémen afin d’être cultivés à Bourbon, anciennement l’île de Réunion, administrée par la Compagnie des Indes. Par décision royale en 1715, toute l’île doit produire du café. « Ce système enrichit avant tout la Compagnie et ses administrateurs. Ils vont faire de cette île paradisiaque un enfer uniquement pour en tirer des profits », rappelle Brigitte Nicolas. Autant dire que le terme « amertume » prend ici tout son sens pour cette expo intitulée Café, plaisir au goût d’amertume.
La culture du café nécessite beaucoup de main d’œuvre faute d’irrigation à Bourbon. Des milliers de personnes en provenance du Mozambique et de Madagascar sont vendues aux colons pour être soumises à l’esclavage. En moins d’un demi-siècle, la population sur l’île passe de 700 à 15 000 habitants dont 80 % d’esclaves qui vivent dans des conditions misérables. Pour ne rien arranger, le succès de la consommation du café entraîne sur l’île le développement d’une autre production encore plus effroyable sur le plan humain : la canne à sucre.
En Europe, le café se consomme en effet sucré. Dans les milieux aristocratiques et de la grande bourgeoisie d’affaires, il est servi dans une vaisselle fastueuse. Avant que l’Europe ne perce le secret de la fabrication de la porcelaine en 1709, les tasses et verseuses proviennent exclusivement de Chine et du Japon. En France, la Compagnie des Indes se charge de ces commandes asiatiques. Pour l’expo, le musée est ainsi parvenu à rassembler 365 pièces uniques dans une vitrine à la scénographie remarquable. Un régal pour les yeux.

Repères

Ouvert de 13h30 à 18h tous les jours
(sauf le mardi) – 
musee.lorient.bzh

Le seul service complet connu en « cabaret vernis » commercialisé par la Compagnie des Indes.

365 tasses en porcelaine de Chine dont 350 issues de collectionneurs privés sont présentées sous une vitrine avec pour certaines œuvres une notice complète à lire sur une borne interactive

 
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